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La Guerre du Liban

La Guerre du Liban
Les édifices délabrés, avec leurs façades en ruine, accueillaient des êtres las et énervés, errant à la recherche d'eau, de nourriture, d'un paix improbable. Il continuait à pleuvoir des bombes aussi, le jour, la nuit ; parfois, il y avait un cessé le feu et on entendait les jeunes foncer dans les rues, vibrant sur leurs deux-roues, évitant les carcasses calcinées des véhicules, les trous des obus, tirant des coups de feu dans les airs, comme pour expulser la rage en eux. Beyrouth n'est pas encore en ruine...
L'histoire de Georges et Bassam
Nous sommes au début des années 80. La guerre fait rage au Liban. Georges et Bassam (le narrateur) travaillent tous les deux, le premier comme croupier au casino, le second comme grutier au port marchand, mais ils rêvent de combines pour gagner un maximum d'argent. Bassam ne rêve que de Rome.
Les deux amis ne tardent pas à être orphelins. Georges ne fait jamais mention de ses parents. Quant à Bassam, il ne lui restait que sa mère (« Brusquement, une forte déflagration a secoué l'immeuble. J'ai senti la pression sur ma poitrine, entendu le bruit décalé du verre qui tombait, vu venir un nuage de fumée au parfum de poussière antique et de terre cruelle. L'odeur de la poudre et du pain brûlé m'a poussé dans l'escalier à travers la fumée ; à bout de souffle, j'ai crié : Maman ! ».
Quant on n'a plus rien à perdre, on se sent pousser des ailes. Après une tentative d'arnaque aux machines à sous qui tourne court, les deux amis vont prendre des voies divergentes : Georges s'engagent dans la milice et devient un combattant farouche après une formation dans un camp militaire en Israël ; Bassam combinent pour livrer des bouteilles de whisky frelaté dans le quartier mulsulman de la ville.
La date charnière du livre est le 17 septembre 1982 (massacres de Sabra et Chatila). Elle marque la nette rupture entre les deux amis. Bassam a participé, sans le savoir, à l'attentat d'un des chefs militaires les plus importants de la milice. Georges lui, a directement participé aux massacres de Sabra et Chatila. S'en suivent quelques vengeances des deux camps, et Bassam, après avoir été torturé par un homme nommé Rambo, devient une cible pour les miliciens : Georges est chargé de le tuer, mais il va lui laisser une chance (c'est seulement dans les dernières pages du livre que cet épisode est raconté en détail, mais il explique clairement le titre du livre, De Niro's Game, en référence au film Voyage au bout de l'enfer).
Bassam quitte le Liban, se rend à Marseille, puis Paris où il rencontre la soeur de Georges, qui veut tout savoir de lui.
L'écriture de Rawi Hage
La traduction de Sophie Voillot semble de qualité, mais probablement parce qu'à l'origine, l'écriture de Rawi Hage est d'une grande qualité. Les métaphores sont nombreuses et rendent les descriptions beaucoup plus vivantes. En quelques mots, il a planté un décor, une ambiance, et même un petit plus que cela, puisque de simples gestes en disent plus long qu'il n'y paraît (« Georges a haussé les épaules, pris une grande bouffée d'huile de hasch bien noire, fermé les yeux et retenu la fumée dans sa maigre poitrine. Puis il a exhalé, lentement, les yeux fermés, étirant le bras comme un crucifix coupé en deux, ses doigts tendus pour me passer le joint. »). Il y a un véritable talent là dessous.
Pourtant, une certaine inconstance émane du livre. Dans les premiers chapitres, la provenance de chaque objet est souligné (les cigarettes des Etats-Unis, les liquides vaisselles de Belgique, le papier de France, les castagnettes d'Espagne et les spaghetti d'Italie ;) ), sans que cela n'ait réellement de poids dans la narration.
De même, les apparitions des perdrix, comme un symbole de liberté vagabonde, de migrateur sauvagement chassé à travers les pays traversés, et miroir de la condition de Bassam, sont assez mal utilisées.
Enfin, les répétitions, dix mille bombes, gouttes d'eau ou pigeons, enfin la répétition dix mille n'est pas systématique et intervient un peu comme un cheveu sur la soupe.
Le livre est découpé en trois chapitres (Rome, Beyrouth, Paris). Lecteur, tu peux t'arrêter à la fin du chapitre Beyrouth, le dernier n'étant pas loin d'être une calamité, aussi inutile que mal écrit. Dommage car ce livre méritait bien mieux : il débutait très bien et aurait pu être excellent. Il manquait cependant de consistence, et le dernier chapitre en est la preuve : pauvre en narration (le narrateur rêve de Napoléon Bonaparte, et passe son temps à errer dans les rues de Paris), il sanctionne un témoignage édifiant de la guerre du Liban par un note terne et insipide. Heureusement que les deux tiers du roman sont de bonne facture...
Un grand merci à Violaine de Chez-Les-Filles pour m'avoir transmis un exemplaire de ce roman. Pour l'occasion, j'ajouterai que le livre, en tant qu'objet, est d'une très bonne qualité (couverture, quatrième de couverture très bien agencée, qualité du papier). Un grand bravo à l'équipe de la collection Denoël & D'ailleurs, pour la conception de cet ouvrage.
L'histoire de Georges et Bassam
Nous sommes au début des années 80. La guerre fait rage au Liban. Georges et Bassam (le narrateur) travaillent tous les deux, le premier comme croupier au casino, le second comme grutier au port marchand, mais ils rêvent de combines pour gagner un maximum d'argent. Bassam ne rêve que de Rome.
Les deux amis ne tardent pas à être orphelins. Georges ne fait jamais mention de ses parents. Quant à Bassam, il ne lui restait que sa mère (« Brusquement, une forte déflagration a secoué l'immeuble. J'ai senti la pression sur ma poitrine, entendu le bruit décalé du verre qui tombait, vu venir un nuage de fumée au parfum de poussière antique et de terre cruelle. L'odeur de la poudre et du pain brûlé m'a poussé dans l'escalier à travers la fumée ; à bout de souffle, j'ai crié : Maman ! ».
Quant on n'a plus rien à perdre, on se sent pousser des ailes. Après une tentative d'arnaque aux machines à sous qui tourne court, les deux amis vont prendre des voies divergentes : Georges s'engagent dans la milice et devient un combattant farouche après une formation dans un camp militaire en Israël ; Bassam combinent pour livrer des bouteilles de whisky frelaté dans le quartier mulsulman de la ville.
La date charnière du livre est le 17 septembre 1982 (massacres de Sabra et Chatila). Elle marque la nette rupture entre les deux amis. Bassam a participé, sans le savoir, à l'attentat d'un des chefs militaires les plus importants de la milice. Georges lui, a directement participé aux massacres de Sabra et Chatila. S'en suivent quelques vengeances des deux camps, et Bassam, après avoir été torturé par un homme nommé Rambo, devient une cible pour les miliciens : Georges est chargé de le tuer, mais il va lui laisser une chance (c'est seulement dans les dernières pages du livre que cet épisode est raconté en détail, mais il explique clairement le titre du livre, De Niro's Game, en référence au film Voyage au bout de l'enfer).
Bassam quitte le Liban, se rend à Marseille, puis Paris où il rencontre la soeur de Georges, qui veut tout savoir de lui.
L'écriture de Rawi Hage
La traduction de Sophie Voillot semble de qualité, mais probablement parce qu'à l'origine, l'écriture de Rawi Hage est d'une grande qualité. Les métaphores sont nombreuses et rendent les descriptions beaucoup plus vivantes. En quelques mots, il a planté un décor, une ambiance, et même un petit plus que cela, puisque de simples gestes en disent plus long qu'il n'y paraît (« Georges a haussé les épaules, pris une grande bouffée d'huile de hasch bien noire, fermé les yeux et retenu la fumée dans sa maigre poitrine. Puis il a exhalé, lentement, les yeux fermés, étirant le bras comme un crucifix coupé en deux, ses doigts tendus pour me passer le joint. »). Il y a un véritable talent là dessous.
Pourtant, une certaine inconstance émane du livre. Dans les premiers chapitres, la provenance de chaque objet est souligné (les cigarettes des Etats-Unis, les liquides vaisselles de Belgique, le papier de France, les castagnettes d'Espagne et les spaghetti d'Italie ;) ), sans que cela n'ait réellement de poids dans la narration.
De même, les apparitions des perdrix, comme un symbole de liberté vagabonde, de migrateur sauvagement chassé à travers les pays traversés, et miroir de la condition de Bassam, sont assez mal utilisées.
Enfin, les répétitions, dix mille bombes, gouttes d'eau ou pigeons, enfin la répétition dix mille n'est pas systématique et intervient un peu comme un cheveu sur la soupe.
Le livre est découpé en trois chapitres (Rome, Beyrouth, Paris). Lecteur, tu peux t'arrêter à la fin du chapitre Beyrouth, le dernier n'étant pas loin d'être une calamité, aussi inutile que mal écrit. Dommage car ce livre méritait bien mieux : il débutait très bien et aurait pu être excellent. Il manquait cependant de consistence, et le dernier chapitre en est la preuve : pauvre en narration (le narrateur rêve de Napoléon Bonaparte, et passe son temps à errer dans les rues de Paris), il sanctionne un témoignage édifiant de la guerre du Liban par un note terne et insipide. Heureusement que les deux tiers du roman sont de bonne facture...
Un grand merci à Violaine de Chez-Les-Filles pour m'avoir transmis un exemplaire de ce roman. Pour l'occasion, j'ajouterai que le livre, en tant qu'objet, est d'une très bonne qualité (couverture, quatrième de couverture très bien agencée, qualité du papier). Un grand bravo à l'équipe de la collection Denoël & D'ailleurs, pour la conception de cet ouvrage.