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Editeur : Gallimard (Collection Du monde entier)

Publication : Septembre 2008

Pages : 148


Où est-ce que c'est que cette plage de Chesil ?

Je ne connais aucun autre roman de Ian McEwan. Peut-être ne faut-il pas commencer avec celui-là... Sur la plage de Chesil est un court roman de la taille des nouvelles de Stefan Zweig, dans lequel deux jeunes mariés passent leur nuit de noces dans un hôtel sur les rives de la Manche, sur la plage de Chesil.

Chesil, dans le sud de la Grande-Bretagne.

Maintenant que nous situons cette plage, nous pouvons en dire un peu plus long sur les deux personnages. Edward est un jeune dadet qui aimerait jouer dans la cour des grands en les imitant. Il a tout pour être austère, souhaiterait devenir un rat de bibliothèque pour étudier les sectes millénaristes, et veut absolument se marier pour ressembler à son beau-père, un capitaliste un peu rustre mais bon père de famille, à la manière de la old school comme on aimerait dire outre-manche.

Florence est une jeune femme éduquée dans une sorte de frustration qui empiète dans tout ce qu'elle entreprend, à l'exception de la musique - c'est une violoncelliste brillante - qui la transcende littéralement. Elle est particulièrement dégoûtée par tout ce qui concerne le sexe, mais par amour pour son mari, et prête, du moins le pense-t-elle à surmonter son écoeurement.

L'histoire raconte cette nuit de noces, entrecoupée par les différents éléments qui ont constitué l'éducation des deux jeunes gens.

L'intention de l'auteur

Car l'intention de l'auteur est, à mon avis, de montrer la rupture générationnelle dont la nuit de noces d'Edward et de Florence cristallise les principes, à l'aube des années 1960. Les oppositions sont nombreuses et choisies : la musique classique de Florence s'oppose au rock'n roll d'Edward ; l'intronisation d'Edward, simple fils d'instituteur, dans la riche famille de son future femme, marque une certaine disparition des barrières sociales ; la proposition finale de Florence, tiraillée sur les questions sexuelles, symbolise en quelque sorte la transition sociale qui marquera l'occident quelques années plus tard ; Edward, lui-même, dans son comportement hésitant entre bagarre et poésie, montre à quel point il lutte contre l'ordre établi : il s'apprête à refuser le service militaire, hésite pour Oxford, ne sait par quel bout prendre son beau-père et futur employeur.

Tout ceci est bien plus parlant dans cet extrait de la page 114, qui, pour moi, résume d'une certaine manière, tout le livre :
« [...] Edward se prit à rêver, non seulement de faire l'amour avec elle, mais de mariage, d'enfants, de la fille qu'ils auraient peut-être. Assurément, c'était une preuve de maturité que d'envisager cette éventualité. A moins que ce ne soit qu'une variante du vieux rêve d'être aimé par plus d'une femme à la fois. Elle aurait la beauté et le sérieux de sa mère, son superbe dos si droit, et à coup sûr elle jouerait d'un instrument - le violon, sans doute, même s'il n'excluait pas totalement la guitare électrique. »

Ian McEwan décrit le virage pris par cette société occidentale au travers de la biographie succincte des deux jeunes gens. Et le leitmotiv de ce virage reste le sexe. Tout au long du roman, c'est l'élément central autour duquel vont réagir les deux protagonistes, directement ou indirectement.

La morale de l'histoire

Ian McEwan écrit bien, c'est indéniable. Il décrit avec brio le comportement de ses deux personnages, et arrive, avec une certaine cohérence psychologique, à leur donner une âme, si ce n'est originale, tout du moins possible. En revanche, l'intrigue en elle-même et son brutal dénouement ne paraît pas forcément crédible, mais après tout, pourquoi pas...

La morale de cette histoire se trouve dans les toutes dernières phrases de l'ouvrage : « Voilà comment on peut radicalement changer le cours d'une vie : en ne faisant rien. » C'est paradoxal, mais c'est terriblement bien amené. J'ai beaucoup apprécié les dernières pages, l'accélération temporelle, le passage en revue de l'existence des deux protagonistes, et l'uchronie latente à tout cela. Ce n'est pas un chef-d'oeuvre, loin de là, mais c'est une lecture agréable, une lecture détente de qualité.


Tag(s) : #Littérature anglaise
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