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Peut-être m'apercevrez-vous aujourd'hui à la recherche de Bruno Parmentier, l'auteur de Nourrir l'humanité...
L'auteur qui m'a contacté la semaine dernière.
Peut-être aurai-je le cran de l'aborder, si je le trouve...
Peut-être !
A l'occasion du Salon Internationale de l'Agriculture, je publie dans cet article, le complément d'information livré par Bruno Parmentier dans les commentaires de mon billet sur son ouvrage :
Par Bruno Parmentier, directeur de l’école supérieure d’agriculture d’Angers,
auteur du livre « Nourrir l’humanité » (éditions La Découverte)
Comme chaque année, le Salon de l’agriculture offre une occasion de fête, mais aussi de réfléchir à l’approvisionnement de nos assiettes : aura-t-on assez d’aliments, aura-t-on de bons aliments demain ? Pourtant cette année le cœur n'y est pas tant les esprits sont accaparés par les conséquences de la crise économique et financière.
Pourtant, osons cette analogie : la planète se fiche complètement de la crise financière, elle continue à se réchauffer et à épuiser ses ressources ; songeons par exemple qu’actuellement l’Argentine, l’Australie et la Chine connaissent simultanément une sécheresse « historique ». Le risque existe donc d’une nouvelle pénurie de céréales en 2009. Autre exemple, plus proche de nous : il va peut-être falloir inventer dans les Landes un avenir sans arbres, et donc sans industrie du bois.
A nous de savoir vers quoi nous souhaitons diriger nos efforts : réparer les erreurs du passé, ou affronter les grands défis de l’avenir, parmi lesquels celui, tout simple, de manger. « Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien », cette parole, qui ne voulait plus rien dire pour nos enfants gavés de barres chocolatées, redevient d’actualité brûlante, mais on n’y arrivera pas sans efforts ! En effet, les émeutes de la faim, qui ont touché 36 pays en 2007/2008 ne sont probablement que le début d'une longue suite de pénuries alimentaires au XXIe siècle. Nous perdons la bataille de la faim, et tout laisse à penser que 2009 sera une année de grande honte pour l’humanité, celle où, pour la première fois on comptera plus d’un milliard d’affamés sur la planète ; ça n’était jamais arrivé.
Que faire, alors que 80 millions d’habitants nouveaux arrivent chaque année sur Terre (et 60 millions de voitures !) et que nous serons 9 milliards en 2050 ? Quelle planète construisons-nous ? Une planète à 2 ou 3 milliards d’affamés, qui ne connaitra pas la paix ?
Réinventer l’agriculture
Les rendements moyens des céréales n'augmentent plus sur la planète depuis une quinzaine d'années. Les « technologies intensives » sont à bout de souffle, car elles consomment énormément de ressources de la planète, toujours plus de terre, d'eau, d'énergie, de chimie et engendrent risques sanitaires et perte de biodiversité.
Certains espoirs peuvent raisonnablement être mis dans les découvertes à venir en matière génétique… mais ce sera probablement en dehors de l'Europe puisque celle-ci a choisi d'arrêter une bonne partie de ses recherches dans ces domaines.
Il est donc d'autant plus important, puisque le siècle de la chimie et du pétrole se termine, d'inventer celui de la biologie. Puisqu'on ne pourra plus autant « artificialiser » l'activité agricole, il faudrait la « renaturaliser ». Mieux connaître les ressources de la Mère Nature (les bactéries, les champignons, les insectes, et d'une manière générale les plantes et les animaux), pour les associer de la façon la plus efficace, dans chaque canton, chaque bassin versant. Par exemple remplacer la charrue par les vers de terre, ou produire directement l'essentiel des engrais sur les champs pendant l'hiver, ou encore associer dans un même champ différentes plantes qui n’utilisent pas les mêmes ressources au même moment et qui au contraire s’aident à pousser et se protègent les unes les autres.
Il s'agit d'une agriculture écologiquement intensive, fort différente à la fois de l'agriculture biologique (qui produit mieux mais en quantité moindre) et de l'agriculture industrialisée (qui produit beaucoup, mais moins « bien »). Le temps presse, il faudrait arrêter de refaire indéfiniment les procès des uns et des autres pour savoir qui avait raison (chacun avait une part de la vérité), et apprendre à travailler ensemble en conjuguant les savoir-faire de chacun. Il s'agit d'un énorme effort de recherche appliquée car l’enjeu est de taille : faire pousser sur moins de champs, avec moins d'eau et très peu d’intrants artificiels deux fois plus de végétaux utiles d'ici à 2050, de façon à pouvoir nourrir tout le monde et produire une partie de notre énergie sous forme de biocarburants.
Il faudrait également arrêter de gaspiller, à tous les niveaux, de la production (au moins 20 % des récoltes disparaissent là où on a faim) à la consommation (une quantité encore plus importante de nourriture est gâchée ou jetée dans nos sociétés d’abondance, ou sert à entretenir obésité et autres maladies dues à une nourriture trop riche).
Réhabiliter les agriculteurs
En 2007-2008, malgré le renchérissement du prix mondial des matières premières agricoles, on a mangé dans tous les pays qui avaient pris soin de soutenir leurs agricultures et donc leurs agriculteurs. Il n'y a pas 50 manières de le faire : il faudrait refermer les frontières, au moins un temps pour cette activité, de manière à protéger les agriculteurs à faible productivité de l'afflux de grandes quantités de surplus agricoles à bas prix issus des pays riches, qui les ruine et les oblige à quitter leurs terres pour rejoindre les bidonvilles de la planète. Généraliser le soutien à la modernisation de l'agriculture est donc indispensable pour garantir le niveau de vie minimum aux agriculteurs qui les dissuade d’émigrer, développer leur capacité d'investissement, de formation et d'organisation, et réguler des marchés devenus fous et, en la matière, meurtriers. En Europe, à l’heure où nous définissons la future Politique agricole commune, demandons-nous si dans un futur de plus en plus chahuté, nous voudrons encore… manger
Dépendre des autres pays pour se nourrir au XXIe siècle est un pari bien dangereux. Il est maintenant urgentissime de réhabiliter réellement l'agriculture vivrière, en particulier en Afrique. Sachant que la grande majorité des gens qui ont faim ne sont pas en ville mais bien les paysans isolés, il faudrait arrêter de clamer qu'il convient de « nourrir ceux qui ont faim », tout en les empêchant littéralement de se nourrir eux-mêmes. Si une certaine solidarité alimentaire autour de la Méditerranée sera probablement nécessaire, l'Afrique noire peut et donc doit se nourrir, personne ne le fera à sa place ; serons-nous assez sages pour comprendre qu'il en va de notre simple intérêt d'Européens et que ce n’est finalement pas si cher de les aider vraiment à le faire ? Nous ne pourrons pas vivre durablement en paix avec à notre porte des centaines de millions d'affamés et désespérés.