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Ce livre a remporté le prix Renaudot 2004. Je pensais que c'était la première fois que je lisais un prix Renaudot, mais j'ai appris par la suite que Voyage Au Bout de la Nuit avait remporté le prix en 1933. Rien de moins. Voici toute la difficulté de juger de la qualité d'un livre couronné d'un prix : s'agit-il d'un prix de complaisance, de compassion, ou par défaut, parce que cette année-là, il n'y a rien d'autre à se mettre sous la dent ? S'agit-il d'un prix remis pour la qualité littéraire, pour le sujet qui fait écho à cet instant à un certain regard de la société ? Je pense qu'il ne faut pas oublier que les prix sont "datés", c'est-à-dire qu'ils répondent à l'attente d'une année et ne couronne pas nécessairement les livres intemporels que les lecteurs futurs liront toujours avec la même fièvre... Ici, pour ce premier prix remis à titre posthume, nous ne sommes pas dans la même guerre que celle qui entraîne Bardamu : la débâcle française de juin 1940 dont un résumé correct se trouve sur ce lien.
Le livre laisse un goût d'inachevé. Pas seulement dans le dénouement, mais dans la construction. Les personnages sont sans relief, les histoires mal traitées ; l'ensemble manque de liens, de liant. Le style est très scolaire, peut-être même un peu raté dans le sens où le vocabulaire est pauvre et les phrases quelconque. La critique est facile, certes, mais quand on commence à remarquer tous ces détails, c'est aussi que l'intrigue n'est pas au rendez-vous.
Les portraits du milieu bourgeois, à grands coups de pinceaux, n'apportent pas grand chose au ressort dramatique. On sent néanmoins un certain potentiel dans ce livre, inexploité, sous-jacent, qui à tout moment semble pouvoir surgir, sans jamais s'accomplir. C'est sans doute la raison pour laquelle j'ai poursuivi la lecture jusqu'à la dernière page, toujours dans l'espoir de voir décoller une intrigue.
A moins d'être un fervent admirateur des histoires de la seconde guerre mondiale, je ne conseille pas ce livre, en dépit de son estampe "Prix Renaudot".
Pour terminer sur une note plus positive, le traitement du rôle des femmes pendant la débacle est particulièrement intéressant, surtout dans Dolce. Il y a de plus de nombreuses réponses aux interrogations que peut se poser celui qui voit l'événement de loin : pourquoi les français n'ont-ils pas réagi face à l'occupant ? pourquoi certaines femmes ont-elles succombé à des officiers allemands ? pourquoi n'y avait-il pas plus de résistants ? Tout ce qui nous semble évident aujourd'hui parce que nous ne vivons pas en temps de guerre... parce que nous ne nous rendons pas compte de ce que c'est. Le livre d'Irène Némirovsky est là pour cela. Pour nous faire prendre conscience de toute la difficulté de concilier instinct de survie familial, intérêt communataire et sentiment patriotique.