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A l'ouest, rien de nouveau

Non, ce roman ne vous enseignera rien que vous ne sachiez déjà. Ou presque. Et non, vous ne tenez pas entre les mains, un monument de la littérature. Voilà, quand on s'attaque à un roman populaire, dans le sens où vous connaissez certainement quelqu'un qui l'a lu et bien souvent, une personne qui ne "lit" pas forcément (de la littérature avec un grand L, pour vous et moi :)) ), mais qui a lu ce texte, il faut arriver à faire abstraction du contexte, de l'auteur. C'est très difficile. Par exemple, en lisant Irène Nemirovski ou Laurent Gaudé, je ne pouvais éteindre cette petite voix qui résonnait pendant ma lecture et qui répétait inlassablement "ha bon, c'est donc ça ? C'est pas si terrible, je ne vois pas pourquoi...", alors que pendant ma lecture de Nathalie Rheims, dont je n'avais jamais entendu parlé, je me suis dit "tiens, ce n'est pas si mal, cette petite pourrait faire quelque chose dans la littérature", alors qu'elle s'y essaie depuis plus de 9 ans, 10 romans et qu'elle n'est pas si petite... Non, les apparences sont trompeuses, mais c'est une gageure d'y faire abstraction.

99 francs, c'est l'histoire d'une poignée de publicitaires, ceux qui gagnent beaucoup à trouver des idées parfois si stupides qu'elles deviennent universelles, et qui mélangent barbituriques et cocktails, poudre au nez et pétards à la fumée bien blanche, afin de stimuler leurs fantasmes, bien évidemment sexuels. Tout cela, c'est leur métier. Vivre dans le lucre comme des sybarites modernes fait partie intégrante de leur ipséité : un publicitaire, c'est un peu rock'n roll, la musique en moins.

99 francs, un produit littéraire

Frédéric Beigbeder a tout tenté pour rendre son ouvrage le plus littéraire possible, dans le sens où la construction est ordonnée en pronoms personnels / chapitres (je, tu, il, nous, vous, ils), entrecoupée de passages publicitaires pour rendre l'écriture performative, appuyée par l'usage abusif d'épigraphes souvent inappropriées, taillée en forme de récit à la fois romantique (une histoire d'amour !), mais un peu à la sauce Tarentino, avec du sexe, de l'hémoglobine et de la drogue partout, sous toutes ses formes, avec des personnages indécents ou décadents. Même parfois irrespectueux.

Pour tout cela, je pense comprendre qu'on puisse abhorrer les livres de cet auteur très jet-set, de surcroît ! Trop c'est trop. Et pourtant... et pourtant, la lecture de ce 99 francs ne m'a pas laissé indifférent, loin de là. Si l'édifice semble imparfait, si le contenu ne révèle rien que nous ne sachions déjà, le roman a l'énorme qualité de ses défauts : ce produit de publicité, écrit pour en faire un film (et lorsque je l'ai lu à sa sortie en poche, je ne savais pas encore qu'il y en aurait un, mais à la lecture, il m'a paru évident que le livre était formaté pour le cinéma), un vrai coup de pub, de marketing, ce produit dénonce ce qu'il est lui-même, il se nourrit de sa propre consistance, les mots, et les ingère avec un certain brio, pour notre plus grand plaisir. La lecture est fluide, simpliste dirait-on, mais Beigbeder a fait passer son message et c'est là sa plus grande réussite.

Voir la société de consommation autrement ?

Loin d'être élitiste, et on aurait pu croire le contraire, mais il y a une raison à cela, Beigbeder se met à la portée de l'individu lambda que je suis, loin des querelles littéraires ou technocratiques, loin des théories nobellisantes ou universitaires ou autres paradigmes incompréhensibles pour le commun des mortels. Il écrit avec des mots simples, une histoire facile, qui n'est qu'un prétexte finalement, pour faire passer un message d'amour, quelque part, de liberté ensuite,  et surtout une réflexion sur la société de consommation telle que nous la subissons. C'est brillant, après tout.

Malheureusement, comme ce livre n'a pas changé ma façon de voir le monde, ni de l'appréhender, il ne m'a donné aucune clef, à moi l'individu lambda, pour m'en sortir. Il s'agissait donc bien d'une gageure, et l'auteur a échoué dans son entreprise de nous sortir de cette société (à défaut d'éclairer quelques derniers réticents !) . C'est la décadence. Inévitablement.
Tag(s) : #Littérature française
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